SCOTT ( Michel, le Magicien )
L’écosse, cette terre poétique des lacs et des collines, des légendes et des enchantements, vit naître et mourir, au XIII eme siècle, cet homme qui fut le plus illustre magicien de son temps.
Son histoire est diffuse et surnaturelle.
On en retrouve des vestiges confus dans les très anciens auteurs et surtout dans les ballades que se transmettaient d’âge en âge les vieux bardes qui parcouraient les frontières au temps où l’Angleterre étaient une nation et l’Ecosse une autre nation.
Sir Michel Scott de Balvearie naquit vers 1214 et mourut en 1291.
Il fut proclamé par l’Angleterre, l’Espagne et l’Italie, mais il semble prouver qu’il était Ecossais. Il fit ses études dans les divers pays cités ci-dessus et il fut physicien, naturaliste, mathématicien, théologien, alchimiste, chiromancien et ambassadeur.
Il fut surtout et avant tout, magicien, et sa réputation devint telle que, dans le sud de l’Ecosse, lorsqu’on parlait de quelques ouvrages très ancien et qui avait exigé des travaux profonds, on disait qu’il ne pouvais provenir que du Vieux Michel ou du diable.
Dante mentionne sa maigreur et sa science dans la Divine Comédie et nombres de philosophes hermétistes font allusion à ses travaux.
Michel Scott fit de grands voyages. Il étudia la magie tout particulièrement en Espagne où il fut initié aux secrets mystérieux laissées par les Arabes. On disait que le pouvoir de Michel était si grand qu’en levant sa baguette dans la taverne de Salamanque, il faisait sonner les cloches de Notre- Dame, et qu’il connaissait des charmes capables de faire trembler l’enfer.
Il se rendit célèbre surtout par la façon dont il mena à bien une ambassade dont il avait été chargé, selon la légende, auprès du roi de France, pour obtenir satisfaction au sujet de certains actes de piraterie dont avaient été victimes les Ecossais. Michel, au lieu de commander une suite nombreuse et un pompeux équipage, s’enferma seul dans son cabinet magique.
Il ouvrit son fameux grimoire et évoqua un démon dont on ignore le nom et qui parut sous la forme d’un cheval noir et volant.
Transporté à Paris par son infernale monture, Michel mit pied à terre à la porte du roi. Il entra, insista pour voir le monarque, et enfin admis en présence de la cour, énonça son message.
Comme il n’avait aucune suite, pas de hérauts d’armes, ni le moindre apparat, on se préparait à le renvoyer quand il demanda qu’on voulut bien attendre que son cheval eût frappé du pied le sol trois fois.
Le premier coup de pied ébranla toutes les maisons de la ville et fit sonner les cloches, le second renversa trois tours du palais, et le cheval diabolique levait son sabot pour la troisième fois, quand le roi, qui désirait sans doute garder un toit pour abriter sa tête se hâta de d’accorder à Michel toutes ses demandes et de le congédier.
Michel Scott, pour faire ses conjurations, portait un costume étrange et redoutable, et ses propres serviteurs n’osaient lever les yeux sur lui quand il était ainsi vêtu.
Son manteau était doublé de peau de renard blanc, sur son front un bonnet pointu, sur sa chaussure était figurée des croix et des signes magiques ; Il portait le pentacle sur sa poitrine et sa ceinture, faite de peau d’un homme mort, était ornée de signes planétaires en mouvement direct ou rétrograde, en trine aspect de conjonction.
Dans sa main droite, il brandissait un glaive nu et on ne doit pas oublier que le corps de Michel ne faisait pas d’ombre au soleil, attendu qu’il était assez fort magicien pour avoir distancé le diable dans la salle d’épreuves souterraines, de sorte que son ombre seule était restée aux mains du Roi du Mal.
Les démêlés de Michel Scott avec les esprits infernaux furent nombreux et variés. Il eut des moments difficiles.
Une fois notamment, il avait invoqué un esprit puissant auquel selon leurs conventions, il devait donner sans cesse de l’occupation, sous peine de tomber sous sa domination. Il lui fit un pont sur la Tweed à Kelso ce qui fut accompli en une nuit. Il réussit enfin à se débarrasser de ce démon infatigable en lui ordonnant de tisser des câbles avec le sable de mer, ce que l’esprit ne put arriver à faire.
En une autre occasion, une fermière de son voisinage, qui était une sorcière redoutée, s’étant, par surprise, emparée de sa baguette magique, le changea en lièvre et lâcha son propre chien après lui, de sorte que Michel dut s’enfuir et se réfugier dans un égout en attendant de pouvoir prononcer un contre-charme.
Il se vengea de la sorcière en lui faisant demander du pain qu’elle refusa. Michel alors fit accrocher au-dessus de sa porte un parchemin couvert de formules magiques, par la vertu desquelles la sorcière, ses moissonneurs et ses servantes se mirent à danser à perdre haleine et sans pouvoirs s’arrêter. Le mari de la sorcière les délivra ( Sur la permission et le conseil du miséricordieux Michel ) en allant à reculons décrocher le charme de la main gauche.
Une coutume curieuse ( et économique d’ailleurs ) de Michel Scott était, lorsqu’il invitait à dîner des seigneurs et de ses amis, de leur faire prendre place devant une table somptueusement dressé, mais vide de toute nourriture. Puis il élevait sa baguette et les meilleurs vins, les mets les plus recherchés paraissaient soudain.
Le magicien disait négligemment : ce pâté a été cuit par le roi d’Espagne. Buvez ce vin, c’est celui du roi de France. Goûtez cette venaison, elle vient de la table du roi d’Angleterre.
Les prédictions du vieux Michel furent nombreuses et sensationnelles.
Il annonça la mort de Frédéric II d’Allemagne, son protecteur, et celle de Marguerite, l’héritière de trône d’Ecosse, qu’il alla lui-même chercher en Norvège, et qui mourut pendant le voyage.
Il prédit aussi la date de son trépas. Il fut blessé mortellement, selon les nombreuses traditions, par une pierre qui se détacha de la voûte de la chapelle de Melrose.
C’est dans ce lieu même qu’il fut mis au tombeau par les soins d’un de ses anciens compagnon qui se trouvait alors en Espagne, prieur du monastère, et que Michel Scott fit venir en Ecosse, auprès de son lit de mort, magiquement et en quelques heures. Il lui fit part, avant de rendre l’âme, des remords qui le tourmentaient, et lui fit jurer d’ensevelir avec lui son grimoire, le livre tout-puissant où étaient consignées toutes ses formules magiques, afin que nul ne pût s’en servir pour le bien et le mal.
Le moine obéit. Il creusa pour Michel un caveau dans le cloître même de Melrose et le disposa de telle façon que la lumière de la lune, passant à travers les vitraux représentant saint Michel terrassant le dragon, teignit la croix rouge de l’étendard archangélique la pierre qui recouvrait le magicien.
La tombe fut violée. Une noble dame écossaise, versée dans l’art magique, voulut s’approprier les trésors mystérieux de la sépulture ensorcelée. Elle envoya à Melrose, par une nuit sans lune, et qu’elle rendait favorable par ses incantations, le plus intrépide de ses vassaux.
Celui-ci aidé d’un moine, s’introduisit dans le cloître et osa soulever la pierre sous laquelle était enseveli le grand magicien…
Au moment du sacrilège, toutes les bannières de l’église furent agitées par un vent violent et une lumière éblouissante jaillit du sépulcre. Le magicien était couché dans sa tombe et la destruction semblais n’avoir aucune emprise sur lui ?
Il était vêtu comme un pèlerin. Dans sa main droite il tenait une croix, dans sa main gauche, son livre magique. La lampe brûlait à ses pieds et son visage était serein.
Le ravisseur nocturne étendit une main tremblante et pris le grimoire qui était relié au fer. Au même moment, le mort fronça les sourcils et fit un mouvement sur le sépulcre comme pour ressaisir son bien.
La pierre retomba d’elle-même sur le sépulcre et le sacrilège épouvanté, s’enfuit, poursuivi par des cris démoniaques, des rires et des gémissements.
La même nuit, le ravisseur mourut tragiquement et le livre magique disparut. Certains prétendent qu’il a repris sa place dans la main gauche de Michel Scott le magicien, qui le lit dans sa tombe à la lueur de la lampe perpétuelle.