sorcières et sorcelleries
Catherine CHÈNE, Martine OSTORERO,
« La femme est mariée au diable ! » L'élaboration d'un discours misogyne dans les premiers textes sur le sabbat (XVe siècle)
Le discours répressif des premiers textes sur le sabbat (début XVe siècle) n'en fait pas d'abord spécifiquement une pratique de femmes et vise la sorcellerie en général sans distinction de sexe. Les motifs misogynes, liés aux maléfices ayant trait à la sexualité, au vol nocturne, au cannibalisme d'enfants, repris de traditions antérieures, apparaissent progressivement et sont appelés à se développer dans un contexte général d'antiféminisme.

Michèle CLÉMENT,
Heur et malheur de n'être plus un homme dans Le Marteau des sorcières, ou le syndrome d'Abélard
Un des maléfices attribué aux sorcières, la privation des hommes de leur membre viril, ne doit pas être rapporté à une hantise de stérilité, mais révèle quelque chose de la sexualité et du désir masculins, dans un conteste de chasteté imposée aux clercs.

Jeanne FAVRET-SAADA
Le désorcèlement comme thérapie
Les pratiques de désorcèlement dans le bocage de l'Ouest de la France, à la fin des années soixante, l'apparentent à une cure précise et efficace, qui agit en faisant changer radicalement les ensorcelés d'attitude devant le malheur. L'agriculteur, ses biens et sa famille étant traités comme une même entité, la femme joue dans le processus un rôle déterminant, mais invisible, à l'image de sa place dans la petite production agricole.

Xavière GAUTHIER,
Témoignage : sur l'expérience de la revue Sorcières. « Sorcières, nous tracerons d'autres chemins... »
Fondée à la fin de 1975, dans un contexte de développement des mouvements féministes et des luttes pour la libération de la contraception et de l'avortement, la revue Sorcières, qui empruntait son image positive de la sorcière autant à Marguerite Duras qu'à Michelet, voulait affirmer le libre droit des femmes au désir, à la jouissance, à la création sous toutes ses formes, et leur donner la parole.

Nicole JACQUES-LEFÈVRE
Figures de sorcières : mythe et individualités
Les comptes-rendus de procès en sorcellerie et les traités de démonologie, du Marteau des sorcières à Pierre de Lancre, construisent et reproduisent une même fiction, conforme à leurs attentes, de pacte et de complot, et une biographie type de la sorcière arasant les singularités et les paroles. Il est cependant possible d'y recueillir des fragments d'expériences, de croyances, de vies individuelles, traces infimes de vies infâmes qui ont résisté à la réduction du schéma.

Christine PLANTÉ,
Le Succube de Balzac, divertissement drolatique ou archéologie d'une fabrication discursive ?
Ce conte drolatique est un des premiers récits littéraires utilisant au XIXe siècle des éléments de la tradition démonologique. Sa construction par juxtaposition de discours et témoignages dénonce avec efficacité la construction du Succube par projection des fantasmes masculins et par manipulations discursives, l'exécution de la femme venant restaurer un ordre menacé. Balzac lie la sorcellerie aux forces du désir, et sa répression à des conflits d'intérêt et de pouvoir.

Michel PORRET,
Différencier les « magiciens infâmes, les sorcières et les empoisonneurs » : l'œil naturaliste de Jean Wier.
Jean Wier, médecin humaniste (1515-1588) récuse dès le XVIe siècle les démonologues par sa critique rationnelle du maleficium, et naturalise la sorcellerie en faisant de la sorcière une mélancolique qu'il faut soigner, à distinguer des empoisonneurs criminels. Son plaidoyer précurseur des Lumières, de la médecine légale et des aliénistes du XIXe siècle, est violemment combattu par Jean Bodin, qui l'accuse de satanisme.