Spiritisme et Nouvel-Age

       

L'explosion des découvertes scientifiques et la percée des technologies, au cours des deux derniers siècles, laissait présumer l'éradication de la pensée magique au profit exclusif de la pensée scientifique. Nos pères voyaient l'âge d'or de l'humanité devant eux. Or, l'impuissance de la science à expliquer le monde dans sa totalité, la pollution catastrophique engendrée par un développement industriel anarchique au détriment de l'homme et de la nature, ont inversé notre foi profonde dans le progrès et redonné leurs lettres de noblesse à la Tradition, à la vie sauvage, à la pensée religieuse ou magique.
 

Le Spiritisme, doctrine basée sur la croyance que l'homme peut communiquer avec les esprits des défunts et les entités incorporelles (les guides), et son prolongement moderne, le Nouvel-Age, religion privée, syncrétique, qui se veut "scientifique", basée sur une vie spirituelle libérée des dogmes des Églises, sorte d'écologie mentale libertaire, avec ses rites et ses croyances empruntés à la Tradition, au chamanisme, aux sagesses orientales ou primitives, tels le voyage astral, les sorties hors du corps, la réincarnation, ont bouleversé le système de croyance de nos contemporains.
 
La nouveauté dans le domaine de la Magie opératoire et de la Sorcellerie, c'est qu'elles sont sorties de leurs "réserves" africaines ou paysannes, pour se répandre dans les villes et leurs banlieuses, gagnant des populations paumées, ayant perdu leurs racines et leur foi ancestrale. Déçus par la désacralisation de l'image du prêtre, la négation du "merveilleux", l'abandon des pompes et des rites traditionnels, ces déracinés ont peu à peu déserté les églises et les prêches sans conviction, pour se réfugier au sein d'associations spirituelles, de sectes, où des gourous charismatiques, beaux parleurs et chaleureux, les prennent en charge, corps et âmes... et portefeuille.
 
Dans nos campagnes, le curé post-conciliaire n'accepte plus de rarement de venir bénir une maison, un champ, une étable ou une nouvelle voiture, d'exorciser un malade qui se croit envoûté, de procurer à ses ouailles du sel bénit. Tout juste s'il croit encore un peu à Dieu, aux vertus des prières et de l'eau bénite (en tant que placebo spirituel).
 
Alors le mage moderne, à la fois médium et sorcier prend la relève. Il apparaît comme le recours. Il est l'homme fort, riche, invincible : l'homme de pouvoir. Celui qui a réussi et à qui tout réussit. Il fait de la publicité, parade à visage découvert sur le petit écran, roule en Mercédès, BMW ou Rolls, parle d'égal à égal avec le médecin, le chercheur, l'ingénieur, le professeur et l'évêque. Le curé était au service de Dieu, il ne prenait rien pour ses "travaux", le sorcier, lui, prend très cher. Or tout le monde croit aujourd'hui que seul ce qui est cher est efficace.
 
Dans l'imaginaire d'une bonne partie de la population, le savoir sur les sorts peut attirer la chance, procurer de l'argent sans travailler, semer la zizanie et la terreur, donner le pouvoir de vie ou de mort : réalités autrement fascinantes que la laborieuse acquisition d'une culture et d'un savoir scientifique.
 
Aujourd'hui comme hier, la sorcellerie est l'explication irrationnelle de faits et de phénomènes rationnels. «En sorcellerie l'acte c'est le verbe. La sorcellerie, c'est de la parole qui est pouvoir et non savoir ou information. » (Jeanne Favret-Saada). La sorcellerie c'est la guerre des mots contre la réalité des faits, le conflit entre le verbe et les idées, l'affrontement entre la crédulité et l'intelligence, la lutte éternellement indécise entre le savoir et la connaissance.


03/02/2006
2 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 44 autres membres