1 - Les Amazones de Bohême
Le Moyen Age a produit ces figures de femmes guerrières si semblables aux Amazones grecques. Comme elles, montées à cheval pour défendre une dignité et une autonomie qui leur étaient contestées. Des légendes Tchèques mal datées (du huitième au treizième siècles), racontent l'insurrection de Libussa et de ses amies. Une écrivain française d'aujourd'hui, Christiane Singer, en a tiré un beau roman : La guerre des filles, inspiré par la dernière tragédie de Franz Grillparzer (1791-1872) : Libussa. Chose curieuse : ces thèmes tchèques très connus dans la littérature de langue allemande (où le nom Libussa sert de sigle à des organismes féministes, lesbiens ou gays), ne le sont pas du tout dans notre langue, aujourd'hui. Peut-être que "notre" Jeanne d'Arc les obnubile.... D'où l'intérêt d'en retrouver la mention dans l'oeuvre d'une philosophe française du 17è siècle, féministe avant la lettre, Gabrielle Suchon (Petit traité de la faiblesse...). Voici comment elle raconte l'histoire :
"Lybusse, fille de Cracus, le second roi de Bohême (...) Cette incomparable princesse gouverna longtemps en qualité de reine. Elle était seule maîtresse de ses Etats et rendait la justice à ses sujets avec tant d'équité qu'elle fut exposée à l'envie des hommes. Ceux-ci, ne pouvant supporter tant de perfection chez une fille, dont la domination leur était extrêmement à charge, la contraignirent à se marier et à partager sa puissance pour contenter l'injuste caprice des grands de son royaume. Mais comme cette condition n'était pas conforme à son humeur, elle mourut peu d'années après son mariage (...) Valasque, l'une de ses favorites, ayant assemblé toutes les femmes et les filles qu'elle put, leur parla de cette manière : "(...) si vous voulez me suivre et prendre les armes, je vous promets que nous aurons la puissance et l'autorité entières". Chacune ayant prêté serment de fidélité contre ceux du premier sexe, elles firent vaillamment la guerre, tuèrent les premiers qui se présentèrent et se mirent en état de vivre comme les anciennes Amazones qui florissaient du temps d'Alexandre le Grand. Primislaus, roi de Bohême, ne put les vaincre que par fourberie et par surprise, mais jamais par force et en bataille rangée".
Jeanne d'Arc,
puisqu'elle existe assurément, attestée par les historiens les plus sérieux. La masse des documents, à la portée de tout chercheur honnête, rend stupides les efforts de ceux qui s'efforcent, depuis toujours, de prouver que "Jeanne d'Arc n'a pas existé". Elle a existé, même si son histoire se trouve altérée par maintes images d'Epinal.
Toute la question est de savoir comment comprendre le phénomène, et quel sens lui conférer. On examinera plus tard la question de sa récupération par les idéologies racistes et réactionnaires. Tenons-nous en pour l'instant à la fraîcheur et à la "rareté" du fait : une femme, une toute jeune fille va prendre les armes, monter à cheval, à la tête d'un mouvement de libération nationale.
Je résume les quelques éléments de sa vie (avec Georges Duby). Jeanne la Lorraine naît à Domrémy, dans la châtelénie de Vaucouleurs, d'une famille de paysans aisés. Elle prend part aux vieux rites agrestes avec ses compagnes, mais elle est très pieuse. On la dit "béguine", c'est-à-dire dévote. Elle vénère la Vierge, Jésus, et surtout l'archange Michel. A treize ans "dans les troubles d'une puberté dont nous savons qu'elle demeura imparfaite" (Duby), elle entend des voix à l'heure de midi, dans les pâturages où elle garde ses moutons. Elle fait voeu de virginité, refuse le mari que ses parents lui ont choisi, se convainc qu'elle est désignée par ses "frères du Paradis" pour accomplir une mission au service du peuple de France, opprimé par l'occupation anglaise.
Agée de seize ans, elle se fait accompagner à Chinon, à cheval, en équipage masculin, les cheveux coupés court, pour aller voir le dauphin Charles privé de sa couronne, le persuader de se faire oindre et de libérer la France des occupants et usurpateurs. Et elle le convainc... "Attendu la grande nécessité, dit Duby, les gens de cour conseillèrent d'utiliser la jeune Lorraine". Le dauphin l'institue chef de guerre. A Orléans, elle s'infiltre dans la place forte des Anglais, avec une poignée de chevaliers. "Contre toute attente, les Anglais se retirèrent", le 8 mai (demain...).
Le Moyen Age a produit ces figures de femmes guerrières si semblables aux Amazones grecques. Comme elles, montées à cheval pour défendre une dignité et une autonomie qui leur étaient contestées. Des légendes Tchèques mal datées (du huitième au treizième siècles), racontent l'insurrection de Libussa et de ses amies. Une écrivain française d'aujourd'hui, Christiane Singer, en a tiré un beau roman : La guerre des filles, inspiré par la dernière tragédie de Franz Grillparzer (1791-1872) : Libussa. Chose curieuse : ces thèmes tchèques très connus dans la littérature de langue allemande (où le nom Libussa sert de sigle à des organismes féministes, lesbiens ou gays), ne le sont pas du tout dans notre langue, aujourd'hui. Peut-être que "notre" Jeanne d'Arc les obnubile.... D'où l'intérêt d'en retrouver la mention dans l'oeuvre d'une philosophe française du 17è siècle, féministe avant la lettre, Gabrielle Suchon (Petit traité de la faiblesse...). Voici comment elle raconte l'histoire :
"Lybusse, fille de Cracus, le second roi de Bohême (...) Cette incomparable princesse gouverna longtemps en qualité de reine. Elle était seule maîtresse de ses Etats et rendait la justice à ses sujets avec tant d'équité qu'elle fut exposée à l'envie des hommes. Ceux-ci, ne pouvant supporter tant de perfection chez une fille, dont la domination leur était extrêmement à charge, la contraignirent à se marier et à partager sa puissance pour contenter l'injuste caprice des grands de son royaume. Mais comme cette condition n'était pas conforme à son humeur, elle mourut peu d'années après son mariage (...) Valasque, l'une de ses favorites, ayant assemblé toutes les femmes et les filles qu'elle put, leur parla de cette manière : "(...) si vous voulez me suivre et prendre les armes, je vous promets que nous aurons la puissance et l'autorité entières". Chacune ayant prêté serment de fidélité contre ceux du premier sexe, elles firent vaillamment la guerre, tuèrent les premiers qui se présentèrent et se mirent en état de vivre comme les anciennes Amazones qui florissaient du temps d'Alexandre le Grand. Primislaus, roi de Bohême, ne put les vaincre que par fourberie et par surprise, mais jamais par force et en bataille rangée".
Jeanne d'Arc,
puisqu'elle existe assurément, attestée par les historiens les plus sérieux. La masse des documents, à la portée de tout chercheur honnête, rend stupides les efforts de ceux qui s'efforcent, depuis toujours, de prouver que "Jeanne d'Arc n'a pas existé". Elle a existé, même si son histoire se trouve altérée par maintes images d'Epinal.
Toute la question est de savoir comment comprendre le phénomène, et quel sens lui conférer. On examinera plus tard la question de sa récupération par les idéologies racistes et réactionnaires. Tenons-nous en pour l'instant à la fraîcheur et à la "rareté" du fait : une femme, une toute jeune fille va prendre les armes, monter à cheval, à la tête d'un mouvement de libération nationale.
Je résume les quelques éléments de sa vie (avec Georges Duby). Jeanne la Lorraine naît à Domrémy, dans la châtelénie de Vaucouleurs, d'une famille de paysans aisés. Elle prend part aux vieux rites agrestes avec ses compagnes, mais elle est très pieuse. On la dit "béguine", c'est-à-dire dévote. Elle vénère la Vierge, Jésus, et surtout l'archange Michel. A treize ans "dans les troubles d'une puberté dont nous savons qu'elle demeura imparfaite" (Duby), elle entend des voix à l'heure de midi, dans les pâturages où elle garde ses moutons. Elle fait voeu de virginité, refuse le mari que ses parents lui ont choisi, se convainc qu'elle est désignée par ses "frères du Paradis" pour accomplir une mission au service du peuple de France, opprimé par l'occupation anglaise.
Agée de seize ans, elle se fait accompagner à Chinon, à cheval, en équipage masculin, les cheveux coupés court, pour aller voir le dauphin Charles privé de sa couronne, le persuader de se faire oindre et de libérer la France des occupants et usurpateurs. Et elle le convainc... "Attendu la grande nécessité, dit Duby, les gens de cour conseillèrent d'utiliser la jeune Lorraine". Le dauphin l'institue chef de guerre. A Orléans, elle s'infiltre dans la place forte des Anglais, avec une poignée de chevaliers. "Contre toute attente, les Anglais se retirèrent", le 8 mai (demain...).