Etats modifiés de conscience en rêve et la mise en cause du concept de
Le champ de prédilection pour les ECM réside dans nos rêves. Des expériences surprenantes peuvent se dérouler durant notre sommeil. Une exploration aussi variée qu'étonnante dont Juste Duits, professeur de philosophie, nous donne un petit aperçu.
-Les rêves lucides
De plus en plus de personnes témoignent de rêves lucides. Ce phénomène était encore considéré comme "impossible" voilà quelques années, puisqu'il constitue un état paradoxal :
au beau milieu d'un rêve, le sujet devient "éveillé" sans se réveiller ! Il s'aperçoit, souvent par un détail incongru, qu'il est en train de rêver.
A cet instant, il peut par exemple prononcer à haute voix : "Ceci est un rêve !" C'est alors un sentiment d'émerveillement et de liberté intense, il se dit qu'il peut virtuellement tout faire, que les limites ordinaires n'existent sans doute pas dans le monde onirique, et il va s'essayer sans restrictions "physiques" ni même morales ! Ainsi les rêveurs lucides expérimentés jouent de multiples façons.
Pourtant, il arrive souvent que l'on veuille faire quelque chose en rêve lucide et que l'on n'y réussisse pas : ainsi voler demande un effort, et c'est après un certain temps de pratique que l'on peut provoquer l'envol de façon volontaire. De même faire apparaître des lumières vives, ou un soleil... C'est comme si le monde du rêve résistait et présentait une "réelle" consistance.
-Les mondes multiples
Seul l'univers matériel est dit "réel", alors que nos rêves seraient de simples "imaginations" ne subsistant pas par elles-mêmes.
Cette opinion repose sur les qualités que l'on attribue au monde de veille - consistant, durable, etc.- et qui semblent absentes du rêve. Mais on trouve des exceptions, comme nous l'avons vu avec les rêves lucides.
Il suffit parfois d'un petit fait bien attesté pour changer un paradigme scientifique. Cette séparation entre "rêve" et "réalité" n'est-elle pas sur le point d'être bouleversée ? Question à première vue bizarre : y a-t-il vraiment une différence entre le monde de veille et le monde que nous explorons lors de certains rêves ?
Essayons de bien comprendre l'enjeu : dans le monde physique, temps linéaire, séparation et lois mécaniques semblent régner.
Mais si d'autres mondes, par exemple ceux qu'Henri Corbin regroupait sous le terme d'Imaginal, sont consistants, tous nos repères basculent.
Il devient alors envisageable qu'il y ait plusieurs mondes réels, simultanés, et que chacun de nous puisse exister parallèlement dans des univers multiples. Nous ne découvrions notre véritable condition que fugacement, lors de grands songes, d'états de conscience élargis, etc.
Chaque individu cesserait alors d'être subordonné aux seules lois du plan physique, puisqu'il vivrait aussi dans d'autres "plans". On le voit, la question de la mort et de la nature ultime de la personne se trouvent concernées ici au premier chef.
- Le sentiment de réalité et la netteté des perceptions
Lors de certains rêves et des rêves lucides, les rêveurs ressentent la dureté des "objets", la vivacité des couleurs, la gamme des sons, avec encore plus de réalité que... dans la réalité !
La consistance du monde onirique varie énormément, dans quelques rêves on perçoit même des odeurs et des goûts, dans d'autres tout semble léger et évanescent. Mais ne peut-on pas dire la même chose du monde de veille, qui suivant notre état intérieur apparaît dense ou factice ?
-La présence des autres !
"L'existence des autres sujets" n'est pas la preuve certaine que nous sommes dans un monde réel. Il arrive de rencontrer des personnages élaborés, capables de nous surprendre ou de tenir des raisonnements complexes dans quelques rêves (et visions) tout comme dans la réalité !
Même si la sensation du monde de rêve, sa densité subjective rappelle parfois le monde de veille, en revanche il existe une différence notable : contrairement au monde physique, le monde onirique reflète nos états d'âme et nos obsessions, fantasmes etc., il constitue une mise en scène de notre psychisme.
-Les rêves partagés
Les questions soulevées par ces rêves mutuels sont extrêments vastes. En gros, trois hypothèses semblent possibles : soit il s'agit de télépathie, les deux sujets créants ensemble un paysage mental ; soit il existe certains lieux "stables", indépendants de notre esprit, dans lesquels nous pouvons nous retrouver lors d'états modifiés de conscience...
Ceux-ci pourraient correspondre à ce que la Kabbale appelle des Sephiroth, ces espaces "immatériels" et pourtant réels, qui composent des dimensions différentes.
Juste Duits, philosophe