Nature sublunaire ; elle est notre mère originelle, l'Artiste et le sujet essentiel.
A son oreille droite l'on remarquait l'image du croissant de Lune et à sa gauche la figure du Soleil pour enseigner qu'ils étaient le père et la mère, les Seigneur et Dame de tous les êtres naturels, et qu'elle avait en elle ces deux flambeaux ou luminaires, pour communiquer leurs vertus, donner la lumière et l'intelligence au monde, et commander à tout l'empire des animaux, végétaux et minéraux : sur le haut du col de sa veste étaient marqués les caractères des planètes et les signes du Zodiaque qui les assistaient en leurs offices et fonctions, pour faire connaître qu'elle les portait et distribuait aux principes et semences des choses, comme étant leurs influences et propriétés, comme étant les gouverneurs de tous les corps de l'univers, desquels corps elle faisait ainsi des petits mondes.
Cette déesse portait un petit Navire ayant pour mât un fuseau, et duquel sortait une équerre dont l'angle figurait un serpent enflé de venin ; pour faire comprendre qu'elle conduisait la barque de la vie sur Saturnie, c'est-à-dire sur la Mer orageuse du temps ; qu'elle filait les jours, et en ourdissait la trame : elle démontrait encore par là qu'elle abondait en humide sortant du sein des eaux, pour allaiter, nourrir et tempérer les corps, même pour les préserver et garantir de la trop grande adustion du feu solaire, en leur versant copieusement de son giron l'humidité nourricière qui est la cause de la végétation, et à laquelle adhérait toujours quelque venin de la corruption terrestre, que le feu de nature devait encore mortifier, cuire, diriger, astraliser et perfectionner, pour servir de remède universel à toutes maladies, et renouveler les corps ; d'autant que le Serpent se dépouillant de sa vieille peau, se renouvelle, et est le signe de la guérison et de la santé : ce qu'il ne fait pas au Printemps, au retour de l'esprit vivifiant du Soleil, qu'après avoir passé par la mortification et la corruption hivernale de la nature : cette statue avait en la main gauche une cymbale, et une branche d'auronne, pour marquer l'harmonie qu'elle entretenait ainsi dans le monde, et en ses générations et régénérations , par la voie de la mort et des corruptions, qui faisaient la vie d'autres êtres sous diverses formes, par une vicissitude perpétuelle : cette cymbale était à quatre faces pour signifier que toutes choses, ainsi que le Mercure philosophique, changent et se transmuent selon le mouvement harmonieux des quatre éléments, causé par la motion et l'opération perpétuelle de l'esprit fermentateur qui les convertit l'un et l'autre jusqu'à ce qu'ils aient acquis la perfection.
La ceinture qui entourait le corps était attachée par quatre agrafes en forme de quadrangle pour faire voir qu'Isis ou la Nature, ou bien encore la matière première, était la quintessence des quatre éléments qui se croisaient par leurs contraires en formant les corps ; qu'ainsi la chose signifiée et entendue était une, et tout, c'est-à-dire un abrégé du grand monde, que l'on appelle petit monde : un très grand nombre d'étoiles était parsemé en cette ceinture pour dire que ces flambeaux de la nuit l'environnaient pour éclairer au défaut de la lumière du jour, et que ces Éléments n'étaient point leurs luminaires non plus que les corps élémentés, qui tous les tenaient d'elles.
Sous ses pieds, l'on voyait une multitude de serpents et d'autres bêtes venimeuses qu'elle terrassait, pour indiquer que la Nature avait la vertu de vaincre et surmonter les esprits impurs de la malignité terrestre et corruptrice, d'exterminer leurs forces, et évacuer jusqu'au fond de l'abîme leurs scories et terre damnée ; ce qui exprimait par conséquent que sa même vertu en cela était de faire du bien, et d'écarter le mal, de guérir les maladies, rendre la vie, et préserver d'infirmités mortifères ; enfin d'entretenir les corps en vigueur et bon état, et d'éviter l'écueil et la ruine de la mort, en revoyant les impuretés des qualités grossièrement élémentés et corruptibles, ou corrompues, dans les bas lieux de leur sphère pour les empêcher de nuire aux êtres qu'elle conservait sur la surface de la Terre.
En ce sens est bien vérité l'Axiome des Sages : "nature contient nature ; nature s'éjouit en nature ; nature surmonte nature ; nulle nature n'est amendée, sinon en sa propre nature" : c'est pourquoi en envisageant la Statue, il ne faut pas perdre de vue le sens caché de l'allégorie qu'elle présentait à l'esprit pour pouvoir être comprise ; car sans cela elle était un Sphinx dont l'énigme était inexplicable, et un noeud-gordien impossible à résoudre.
L'on observait encore un petit cordon descendant du bras gauche de la Statue, auquel était attachée et suspendue jusqu'à l'endroit du pied du même côté une boite oblongue, ayant son couvercle, et entrouverte, de laquelle sortaient des langues de feu représentées : Isis porte le feu sacré et inextinguible, le vrai feu de nature, éthéré, essentiel, et de vie, ou l'huile incombustible si vantée par les Sages ; c'est-à-dire, selon eux le Nectar, ou l'Ambroisie céleste, le baume vital-radical et l'Antidote souverain de toutes infirmités naturelles.
Du bras droit d'Isis descendait aussi le cordonnet de fil d'or d'une balance marquée pour symbole de la justice que la Nature observait, et pour symbole des poids, nombre, et mesure qu'elle mettait en tout ; on voyait dans la balance un anneau conjugal destiné à elle.
Isis avait la figure humaine, la forme du corps et les traits d'une femme en embonpoint et d'une bonne nourrice ; comme si l'on eût voulu manifester qu'elle était corporifiée personnellement en cette nature, et famille privilégiée des trois règnes, en faveur de laquelle elle disposait le plus abondamment de toutes les grandes propriétés, fécondes et souveraines pour l'allaiter, nourrir et entretenir.
Souvent Isis était accompagné d'un grand boeuf noir et blanc, pour marquer le travail assidu avec lequel son culte philosophique doit être observé et suivi dans l'opération du noir et blanc parfait qui en est engendré pour la Médecine universelle hermétique.
.....................................................................................
Description de la déesse Isis
D'abord elle avait une épaisse chevelure, dont les anneaux légèrement bouclés et dispersés çà et là sur son cou divin, s'y répandaient avec un mol abandon. Une couronne formée de diverses fleurs rattachait sa chevelure au sommet de sa tête. Elle avait au-dessus du front un cercle lumineux en forme de miroir, lequel jetait une lumière blanche et indiquait que c'était la Lune. A droite et à gauche, sa chevelure était retenue, en guise de bandeau, par des vipères qui se redressaient et par des épis de blé qui revenaient se balancer au dessus de son front. Sa robe, faite d'un lin de la dernière finesse, était de couleur changeante, et se nuançait tour à tour de l'éclat de l'albâtre, de l'or, du safran, de l'incarnat de la rose. Mais ce qui était frappait le plus vivement mes regards, c'était un manteau si parfaitement noir, qu'il en était éblouissant, et qui, jeté sur elle, lui descendait de l'épaule droite au-dessus du côté gauche, comme eût fait un bouclier. Un des bouts pendait avec mille plis artistiquement disposés, et il se terminait par des noeuds en franges qui flottaient de la manière la plus gracieuse. Tout le bord, ainsi que le fond, étincelait d'innombrables étoiles, au centre desquelles une lune dans son plein lançait sa radieuse et vivante lumière. Ce qui n'empêchait pas que dans toute la longueur de ce manteau sans pareil régnât une guirlande de broderie représentant des fruits et des fleurs. La déesse portait plusieurs objets différents : dans sa main droite elle avait un sistre d'airain, dont la lame étroite et courbée en forme de baudrier était traversée par trois petites verges qui, agitées toutes ensemble, rendaient au mouvement de son bras un tintement aigu. De sa main gauche pendait un vase d'or en forme de gondole, lequel, à la partie la plus saillante de son anse était surmontée d'un aspic à la tête droite et au cou démesurément gonflé. Ses pieds divins étaient recouverts de sandales tissées avec les feuilles du palmier, cet arbre de la victoire