L' après-vie apparaît comme un nouvel espace à explorer
Les questions posées par lesNDE nécessitent une investigation poussée dans les domaines scientifique, physique, métaphysique et philosophique.
Dans ce débat, la science apporte sa contribution jusqu'à un certain point. L'anoxie (diminution de la quantité d’oxygène que le sang distribue aux tissus), les drogues et les endorphines peuvent expliquer beaucoup de choses, mais éludent certains phénomènes.
Comment le cerveau peut-il traiter, stocker et rappeler des souvenirs aussi inhabituels pour lui ? Comment peut-on dans certains cas percevoir un environnement avec tous ses détails, et s'en souvenir alors que les structures cérébrales responsables de ces facultés sont inopérantes? Pourquoi toujours cette ressemblance dans les témoignages ?
Beaucoup de NDEs sont survenues lors d’arrêts cardio-vasculaires, parfois en plus sous anesthésie, ou lors de noyades, c’est-à-dire à un moment ou le cerveau souffre d’un manque d’oxygène, ainsi que de glucose dans le cas d’un arrêt cardiaque, qui sont tous deux essentiels pour que les neurones fonctionnent. Tout se passe donc comme si l’expérience était indépendante de l’état fonctionnel du cerveau ou comme s’il existait une zone du cerveau qui soit insensible au manque d’oxygène, de glucose et à l’anesthésie !
On ne peut pas savoir si les morts réels sont bien passés par ces phases de N.D.E. avant de mourir. Si la conscience subsiste après l’arrêt du coeur puis celui du cerveau, s’agit-il d’une ultime activité - désespérée - de celui-ci ou d’un vrai passage vers autre chose ?
Le passage vers la mort est progressif. Les fonctions physiologiques s'arrêtent les unes après les autres mais le cerveau continue de fonctionner. C'est dans ce laps de temps que s'inscrivent les NDE. La réanimation du sujet interrompt le processus avant le point de non-retour. Un arrêt cardiaque ne dure que quelques minutes (guère plus de cinq sans conséquences sérieuses pour le cerveau non irrigué, hors certains cas particuliers associés à une hypothermie) mais un encéphalogramme plat beaucoup plus longtemps. Certains phénomènes, différents de l'approche de la mort, comme le coma barbiturique ou une réfrigération brutale, peuvent donner lieu à un encéphalogramme plat prolongé. La limite précise entre la vie et la mort reste difficile à cerner. Un des critères médicaux de la mort officielle est le relevé de deux encéphalogrammes plats dans un intervalle de 36 à 72 heures.
Bon nombre de NDE peuvent s'expliquer par les effets de l'anoxie, c'est-à-dire l'insuffisante oxygénation du cerveau.
Le phénomène comporte plusieurs facteurs qui influent sur le fonctionnement du cerveau : variations de la pression sanguine, arrêt de la vue et des contractions musculaires. Il se retrouve en hypovigilance et perd le contact sensoriel avec le corps. Les informations ne lui parviennent plus. L'angoisse qui en résulte fait réagir le psychisme. Cette déconnexion du corps, qui n'est pas tout à fait complète (l'ouïe semble être le dernier des sens à 'décrocher') est ressentie comme une 'décorporation'. Une perception auditive subliminale (à la limite de la conscience) persiste. Cette explication de la sensation de 'sortie' du corps se justifie par la disparition des impressions douloureuses qui va de pair.
La NDE nait dans des structures du cerveau et du système nerveux.
Les EMI peuvent également être présentées comme une hallucination déclenchée par la réaction du cerveau à certains produits pharmaceutiques administrés pour soulager la douleur d'un mourant.
Le cerveau est un organe excessivement complexe avec ses dix milliards de neurones et ses innombrables connexions où interfèrent des processus chimiques et électriques multiples.
Le cerveau fabrique ses propres morphines (les endorphines), emploie des neuromédiateurs, molécules à actions hormonales, telles les catécholamines (dopamine, adrénaline, noradrénaline) aux fonctions spécifiques variées.
La kétamine (qui n'est plus utilisée depuis la fin des années 80) est un anesthésique hallucinogène à courte durée d'action provoquant une anesthésie dite "dissociative" car les patient déconnectés de tous stimuli extérieurs se sentaient à tel point séparés de leur corps qu'ils ne percevaient plus la douleur de l'opération avec l' impression de mourir, de quitter son corps, de traverser un tunnel.
La kétamine provoquant des dissociations de personnalité, fut pour ces raisons supprimée. L'état altéré de conscience qui en résulte se rapproche semblerait-il beaucoup de celui associé à une NDE.
L'étude de l' action de la Kétamine (Karl Jansen) montre qu'elle se fixe sur les récepteurs neuronaux NMDA: N-méthyl-D-aspartate et les bloque. Les récepteurs NMDA sont normalement activés par une molécule naturelle: le glutamate.
Le glutamate
Le glutamate joue un rôle vital dans tous les processus cognitif auquel participe le cortex : la pensée, la mémoire et la perception. Les neurones à glutamate sont essentiellement situés dans le cortex et dans l'hippocampe, formation cérébrale impliquée dans les processus de mémoire et dans les émotions, qui intègre les signaux en provenance de nombreuses parties du cerveau. Lorsque survient un manque d'oxygène, une réduction du flux sanguin ou du taux de sucre dans le sang ou encore une crise d'épilepsie, le glutamate est libéré en quantité excessive. A forte dose cette molécule est toxique pour les neurones, il y a donc de fortes chances pour qu'en cas de surproduction de glutamate , le cerveau dispose de moyens de protection naturels qui viennent également bloquer le récepteur afin d'éviter une surexcitation fatale aux neurones.
Cela pourrait être une explication des NDE non médicamenteuses.
Cependant ce modèle ne s'applique qu'aux cas où il y a anoxie et s’accorde mal avec l'exceptionnelle mémorisation associée à ce type d'expérience.
Substances proches de la morphine, naturellement sécrétées par le cerveau en période de stress, les endorphines masquent la douleur immédiate dans, par exemple, un accident corporel important.
Les visions naîtraient d'une dernière décharge d'endorphines émise par le cerveau dans la transe mortelle. En effet, au seuil de la mort, les endorphines, molécules proches de l'opium, sont sécrétées en abondance dans les états de mort imminente sans provoquer aucune hallucination. Sans être directement à l'origine des NDE, les endorphines sont certainement responsable de la sérénité décrites par les témoignages. En génant l'activité de l'hippocampe (rôle fondamental dans les processus de mémorisation) , la réactivation simultanée de nombreux souvenirs s'expliquerait également.
L'explication fondée sur les endorphines comporte des failles. Si le cerveau cherchait à nous protéger de la douleur, il le ferait avec des images agréables. Or toutes les EMI ne sont pas agréables: certaines de ces expériences sont en effet associées à d'affreuses visions.
On pourrait reproduire les effets des NDE à l'aide de molécules appropriées. Paul Minaki donne des exemples de ce genre d'effets, dus à certains anesthésiques, dans l'introduction du second livre de R. Moody Lumières nouvelles sur 'la vie après la vie'(Robert Laffont, 1978).
Les neurologues soulignent que les désordres consécutifs à des attaques cérébrales présentent des analogies avec les N.D.E. :
Le Dr Michael Persinger, professeur de neurosciences au Canada, estime que les forces électromagnétiques sont à la source d'un grand nombre d'expériences dites paranormales. Persinger effectua plusieurs expériences au cours desquelles, en soumettant le cerveau de sujets à des impulsions électromagnétiques, il parvenait à déclencher chez eux des expériences de mort imminente. Il prétend ainsi pouvoir provoquer «n'importe quelle expérience d'un genre similaire». Selon l'avis de Persinger, la totalité des phénomènes dits parapsychologiques trouveraient leur explication dans l'activité des lobes temporaux: « Toute expérience provient du cerveau ; il nous faut donc simplement déterminer à quel type d'activité électrique correspond telle ou telle expérience. »
Le lobe temporal :
Les lésions du lobe temporal provoquent un " bruit " annonciateur du début de la crise. De plus, si on admet que le lobe temporal puisse jouer un rôle dans la mémorisation, il peut être à l’origine de la vision panoramique de la vie passée. En fait, dans les attaques cérébrales, il arrive effectivement que le passé défile rapidement dans la mémoire, mais de façon non sélective, sans ordre logique, sous la forme de flashs successifs non cohérents.... alors que dans les N.D.E., le passé est panoramique, ordonné, lié à un jugement moral de l’existence. Au " réveil ", le souvenir résiduel après une attaque cérébrale est généralement confus, alors que celui lié à une N.D.E. est précis et net.
En 1955, le neurochirurgien W. Penfield a mené des expériences de stimulation électrique directe sur certaines zones du lobe temporal qui ont provoqué chez les patients des sensations diverses fréquemment associées aux NDEs, comme la sensation de décorporation, l'impression de traverser un tunnel ou des visions mystiques (Penfield, 1975). Les zones du cerveau qui assurent le traitement et la redistribution de l'information (hippocampe, amygdale et système limbique) sont directement reliées au lobe temporal, en particulier par des neurones dont le neurotransmetteur est la sérotonine. Cependant, la grande majorité des neurones du cortex cérébral utilisent le glutamate comme neurotransmetteur et seulement très peu de cellules utilisent la sérotonine.
Les lobes occipitaux :
Les lobes occipitaux sont le siège de la vision. Il est possible qu’une anoxie de ces lobes puisse donner une impression de lumière. Toutefois, les neurologues n’arrivent pas à comprendre comment les sujets ayant une N.D.E. (comme lors de voyages hors du corps d’ailleurs) sont capables d’assister aux événements qui se passent autour d’eux - considéres comme morts ou tout au moins inertes -(gestes des équipes médicales, conversations, appareillages utilisés...) aussi bien dans la salle que dans d’autres lieux voisins... avec une netteté et une précision absolues, alors que les membres de l’équipe médicale gardent beaucoup moins de souvenirs.
E. Kubler Ross cite le cas d’un aveugle, en état de mort clinique, qui ramené à la vie, fut capable de raconter l’agitation de l’équipe médicale autour de son corps, avec les couleurs des blouses, les gestes, les cheveux... qui lui étaient inaccessibles à l’état normal !
Selon Bruno Duroux, neurochirurgien, " l'hypothèse neurophysiologique la plus probable à propos des N.D.E. est celle d'une libération finale de neuropeptides, molécules servant à la circulation des informations dans le cerveau. sorte de réaction programmée du cerveau face â l'ultime épreuve. " Mais cette hypothèse n'a pu être vérifiée car " aucune équipe scientifique n'accepterait de poser des capteurs d'électro-encéphalogramme sur le crâne d'une personne à l'agonie.
Selon certains, la NDE serait un phénomène pathologique de dépersonnalisation, voisin de la schizophrénie. En quelque sorte, une réponse de l'organisme à la peur de la mort par un phénomène de neuroprotection qui serait à l'origine d'une "déconnexion" de la conscience et du besoin de se protéger face à l'imminence de sa propre mort en se réfugiant dans un monde de fantasmes construit à partir de croyances conscientes et/ou inconscientes.
Il ne fait aucun doute que ces expériences sont réelles, mais sont-elles dues au fait que l'esprit se détache du corps à l'approche de la mort ? Cet état de perception accrue correspondrait-il alors à des capacités psychiques inexploitées?
Les travaux de K. Ring, psychologue, spécialiste des états altérés de conscience (Université Connecticut - U.S.A. - 1980), ont confirmé ceux du Docteur R.Moody : existence des N.D.E., absence de l’influence culturelle ou religieuse... Ils ont aussi confirmé l’existence de processus physiologiques particuliers : métabolisme plus lent, tension artérielle abaissée, augmentation importante de la sensibilité électrique (pouvant même provoquer des dysfonctionnements des appareillages électriques : on rejoint les phénomènes paranormaux !).
Le cardiologue B. Sabom (Université Atlanta - U.S.A. - 1982), d’abord opposé et sceptique attribuait les phénomènes décrits soit à l’anoxie modifiant les réactions neuronales, soit à l’action de drogues médicamenteuses administrées aux mourants. Après l’étude de 116 cas, il admit la réalité des phénomènes, ce qui, compte tenu de la diversité des personnes et de la concordance de leurs témoignages, conduit à supposer l’existence d’un état de conscience très particulier " à la limité de la vie et de la mort ". Il " se passe quelque chose ".
Les expériences de mort imminente pourraient être générées par des circonstances particulières au cours desquelles se produirait plus facilement la libération d’un formidable potentiel de l’esprit humain, insoupçonné mais à la portée de tout un chacun à n’importe quel moment de sa vie. Cet état de perception accrue correspondrait-il alors à des capacités psychiques inexploitées?
Certaines substances hallucinogènes, comme le fameux LSD, surexcitent l'activité cérébrale et la perturbent, induisent un état mental très différent de celui associé aux NDEs et impliquent en général un accroissement énorme de l'entrée de stimuli sensoriels en provenance de l’environnement qui contraste avec la perte de contact avec le monde extérieur qui accompagne une NDE.
Les grandes traditions religieuses préconisent le jeûne, l’ascèse, la solitude pour accéder aux plans supérieurs de conscience. Ce qui obligent à se poser des questions sur les rapports entre conscience et cerveau, certaines caractéristiques récurrentes obligent aussi à envisager une réflexion sur notre conception de l'univers, certaines implications des NDE rejoignant parfois des conceptions millénaires plus ou moins universelles , en particulier dans les mystiques orientales.
Le père Patrick Verspieren , conseiller scientifique à l'Episcopat et directeur du département d'éthique biomédicale du centre de Sèvres, ainsi que rédacteur à la revue Etudes, considére que les N.D.E.ne doit être assimilée à la mort, celle-ci étant un phénomène total, définitif et irréversibles.
Les travaux statistiques du Docteur K. Osis (1959-1960) sur les visions des mourants, ont montré qu’il ne s’agissait pas d’un mauvais fonctionnement cérébral, car les rescapés ne présentent pas de lésions irréversibles. Ces visions sont différentes des hallucinations typiques caractéristiques des troubles mentaux. Elles ne peuvent pas être attribuées aux médicaments ou à la fièvre. K. Osis et E. Haraldsohn , examinent 1708 cas de N.D.E. aux U.S.A. et aux Indes, pays culturellement différents, ont mis en évidence la similitude des visions, donc leur objectivité. Ces visions sont ressenties par les sujets comme une aide extérieure provenant de l’Au-Delà.
Les NDEs se déroulent toujours selon un schéma constant et tous les récits contiennent un grand nombre de symboles universels (le passage, la lumière, Dieu etc.) ce qui pourrait suggérer un rôle important de la psyché dans le phénomène. La plupart du temps, ces symboles sont sans aucun rapport avec les croyances des témoins et ceci n’est pas sans rappeler la notion d’archétypes développée par Carl Jung (1971) qui représenteraient des images primordiales appartenant à un inconscient collectif.
D’après Jung, il existerait autant d’archétypes que de situations typiques dans la vie. Il ne serait donc pas surprenant de trouver des archétypes liés à la mort. Bien que Jung lui-même ait vécu une NDE et ne l’interprétât pas par rapport à l’inconscient collectif, certains de ses adeptes ont vu dans la NDE une imagerie archétypale déclenchée par l’approche de la mort. Cette théorie est intéressante et contient probablement une part de vérité, bien qu’elle ne puisse pas rendre compte de tous les aspects de l’expérience.
Lorsque le cerveau se meurt, dit Susan Blackmore, il continue à modéliser des environnements, mais en utilisant la mémoire et l'imagination -et non les sens. S'apparentant aux rêves ou aux souvenirs, ces perceptions peuvent très bien être effectuées "à vol d'oiseau".
Le cerveau est constamment en train de construire un modèle de la réalité qui nous entoure à partir de l’ensemble des signaux sensoriels qui lui parviennent. Le modèle de Blackmore spécule que lorsque ces signaux cessent, nous nous servons de notre mémoire et de fragments de perceptions pour reconstruire un modèle de notre réalité. Ainsi, l’expérience de décorporation résulterait de la tentative d’un cerveau agonisant de reconstruire un modèle de l’univers à partir de signaux sensoriels limités.
Et si l'Au-delà existait ?
La science reste modeste devant l' analyse de ce phénomène accidentel qu'on ne peut reproduire à volonté en laboratoire. En effet, les recherches en neurophysiologie retirent à ces expériences tout caractère surnaturel dont certains voudraient les parer. Rien ne permet de dire aujourd'hui qu'il y a dans les NDE quelque chose de paranormal qui défierait la connaissance humaine.
Cependant, la possibilité d’une survie, sous une forme différente de celle de la vie terrestre, ne peut être écartée. En effet, les descriptions des patients rejoignent celles des mystiques. La N.D.E. semble donc non spécifique de cette transition vie-mort, mais une étape de l’évolution humaine, plus facile à faire à l’approche de la mort, libérant le potentiel spirituel bloqué : c’est un chemin vers une autre réalité que les religions ont eu coutume d'appeler « âme ».