Le syndrome de Jérusalem

                   
Le Mur occidental (ou mur des Lamentations) est l'une des principales attractions touristiques d'Israël. A toute heure du jour et de la nuit, des visiteurs s'y rendent pour prier, prendre des photos, participer à une manifestation ou à la prestation de serment d'un corps d'armée, assister à une cérémonie de bar-mitsva ou plus simplement pour s'imprégner de l'atmosphère historique et spirituelle qui imprègne les lieux.

Tard dans la soirée, quand l'éclairage indirect rehausse les fissures et les aspérités des énormes blocs de pierre, quand les sonorités nocturnes se confondent sur l'esplanade, une gent très particulière est attirée vers le mur, qui réunit tous ceux qui sont partis à la recherche d'une expérience surnaturelle. Les psychologues les rangent dans la catégorie des personnes atteintes du "syndrome de Jérusalem" et leur contribution à la couleur locale et au pittoresque du site n'est pas négligeable.

On y trouve d'authentiques faux messies, des égarés de tout poil, des illuminés, qui partagent le même goût pour les petites heures de la nuit. Passé minuit, ils se délectent tous de l'aura mystique qui se dégage du Mur. Leur psyché est alors enflammée par l'ancestrale sainteté ambiante. Certes, d'autres sites de Jérusalem attirent ça et là leurs semblables, mais le Mur remporte auprès de tous un succès incontesté, surtout parmi les juifs.

La période de pointe du syndrome, si l'on peut s'exprimer ainsi, se situe évidemment lors des grandes fêtes des religions monothéistes: Noël ou Pâques pour les chrétiens, les Fêtes austères et la Pâque pour les juifs, auxquelles il convient d'ajouter les mois de grande chaleur de juillet et d'août. Bar-El a divisé les patients en deux grandes catégories: ceux qui ont des antécédents psychiatriques (diagnostiqués ou non) et les autres. Les touristes et pèlerins traités accusent de singulières similitudes dans le mécanisme de désintégration de leur personnalité. Les premiers symptômes se produisent le plus souvent le lendemain de l'arrivée dans la Ville sainte, se manifestant par une nervosité et une anxiété soudaines et sans motif. S'ils sont venus en groupe ou en famille, ils éprouvent un besoin irrépressible de s'isoler, ce qu'ils font en règle générale.

Ils vont dès lors le plus souvent se livrer à des rites de purification, prendre douche après douche, s'immerger dans un mikve (bain rituel). Ils vont aussi changer radicalement de tenue vestimentaire préférant, dans leur désir de s'identifier à des héros de la Bible ou du Nouveau Testament, les longues tuniques blanches de l'imagerie biblique.

C'est vers le Mur, devenu sanctuaire, que la plupart de ces illuminés dirigent leurs pas. Là, chacun à sa manière, extériorise son ivresse devant tant de sainteté. Ainsi Motelé, toujours de blanc vêtu, portant barbe fleurie et grisonnante, clame à un groupe de touristes "Welcome America!" Quand il prie pour la pluie de sa voix de cathédrale, la tête rejetée en arrière, les bras grand ouverts, on se croirait dans une salle de concert symphonique. Des fois, pour la frime, il se tient sur le toit du grand rabbinat pour vociférer une prière. Les non initiés s'imaginent que c'est une voix céleste et on en a vu même qui s'engagent au repentir, du moins pour la demi-heure qui suit.



19/05/2006
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