Les 3 frères de Lord Ruthven
Nous étions 3 frères, Luther, Guillaume et moi-même ! Le premier adorait les duels à la rapière, les femmes et le bon vin. C'était lui qui allait devoir reprendre le titre de notre père à sa mort. Le second était porté sur les études, les vieux livres, etc... Il se déstinait surement à la vie de moine. Quant à moi, je vivais dans l'ombre de mon frère Luther, lui servant d'ecuyer et subissant ses brimades lorsqu'il revenait ivre mort de ses soirées. Notre père s'en moquait. Seul Guillaume me prit en pitié, du moins, c'est ce que je pensais : il m'apprit beaucoup de choses, me montra les anciennes écritures et me confia des livres à présent oubliés !
Un jour, notre père partit pour régler un conflit avec un seigneur frontalier... Rien de bien important, ça n'allait pas durer longtemps, 3 ou 4 mois tout au plus, nous avait-il dit ! 6 mois plus tard, il n'était toujours pas de retour. Nous l'attendions sans espoir : nous commençions à être pessimistes.
Luther, ivre d'orgueuil, profita de l'absence paternelle pour frapper une monnaie à sa propre image et elle ne mit pas longtemps à être distribuée dans tout le pays. De plus, il relevait chaques mois un impot toujours plus consequent et le dilapidait dans de grandes bachanales.
Guillaume, lui, continuait à étudier ses ouvrages, se moquant de notre frère ainé et de ses excentricités, devenant renfermé et mysterieux. Un jour, il me chassa même de son bureau en m'envoyant un encrier à la figure.
Moi, je lisais ce que mon frère me passait. Je passais mes nuits dans la bibliothèque du monastère de la vallée, aux côtés des copistes, me promenais dans la forêt, passais des heures entières sur les berges du lac d'Aigues-mortes, dans lequel, parait-il, reposent les corps de nombreux suicidés. De nombreuses rumeurs couraient sur moi : j'étais un fou, un sorcier, un nécromancien qui parlait aux suicidés et à ceux qui étaient morts avant leur heure.
Guillaume vint un soir me rejoindre sur les berges du lac. Nous ne parlâmes pas pendant une heure. Puis soudain, il se retourna vers moi et me dit ces mots, je m'en rappelle comme si c'était hier : "Mon frère, je vais mourire." Un médecin le lui avait dit pendant le jour et d'après ce dernier, Guillaume en avait plus pour longtemps. Mon frère ne savait même pas s'il pourrait revoir un jour notre père.
Le lendemain, nous étions tous les deux dans la bibliothèque du monastère. Le frère Pius, celui qui en était responsable nous faisait confiance et nous permit de lire les ouvrages interdits que les sorciers de la région avaient écrit il y a longtemps. Nous trouvâmes le secret de la vie eternelle dans un de ces livres : une potion mélant diverses herbes et le sang d'un homme tué par son propre frère. Je pensais tout de suite à Luther. Guillaume et moi ne l'aimions plus : il se vautrait dans les orgies, avaient augmenté les impôts, préssurait le bas peuple et avait oublié notre père. Mais Guillaume ne voulait pas le tuer. Notre frère ainé avait beau être un monstre, pour Guillaume, il n'en restait pas moins notre frère. Je pris alors seul la décision de le tuer.
Un soir qu'il rentrait d'une nuit passée dans un bordel, je l'égorgeais dans une ruelle sombre et récupérai son sang. Je ne mis pas beaucoup de temps à préparer la potion, les herbes n'étaient pas bien dures à trouver, surtout pour quelqu'un qui connaissait bien la forêt. Quand cela fut fait, je l'apportais à mon frère. Il m'écouta, sourit puis désira que nous prenions ensemble la potion. J'acceptais ! Je croyais qu'il avait oublié l'assinat de son frère ainé par son frère cadet ! Il me demanda de boire en premier et c'est ce que je fis. Quand je redéposais mon verre, Guillaume fit une moue de dégoux, me cracha au visage et me chuchotta que, contrairement à lui, j'étais maudit, que comme Caïn, j'aurais la mort de notre frère sur la conscience jusqu'à la fin des temps. Je n'eus pas le temps de dire quoi que ce soit. Il sortit une dague d'un replis de son vêtement et se trancha la gorge avec. Notre famille était détruite : j'avais tué Luther pour sauver Guillaume, pensais-je, ou peut-être pour me venger, Guillaume s'était tué, soit par peur de la maladie, soit de dégout d'avoir été le motif de cet assassinat ou tout simplement d'être mon frère et j'appris plus tard que mon père avait été lui aussi assassiné par des hommes payés par Luther. Il ne reste plus que moi. Depuis ce jour, je me promène sur la face du monde.