Les Enarées

Les Enarées

Dans un domaine géographique et ethnique plus proche de la Grèce que la Sibérie, on trouve un parallèle intéressant et à Tirésias et aux chamanes. Les Scythes, peuple indo-européen, ont une classe de devins particulière que l'on connaît à travers plusieurs sources antiques. Voici ce qu'Hérodote en dit :

Lorsqu'en faisant retraite, ils sont parvenus à la ville syrienne d'Ascalon, la plupart des Scythes passèrent outre sans causer de dégât; mais quelques uns, restés en arrière, pillèrent le temple d'Aphrodite Ourania. Ce temple, d'après ce que mes informations me permettent de savoir, est le plus ancien de tous les temples élevés en l'honneur de la déesse (...). Ceux des Scythes qui pillèrent le temple d'Ascalon et leurs descendants à perpétuité furent frappés par la déesse d'une maladie de femme; le fait est que les Scythes expliquent leur maladie de cette façon, et que les voyageurs qui se rendent en Scythie peuvent constater par eux-mêmes leur état; les Scythes les appellent Enarées.

Dans sa description des moeurs scythes, Hérodote parle des devins :

Les Enarées, hommes-femmes, prétendent que le don divinatoire leur a été donné par Aphrodite; par le fait, ils pratiquent la divination en se servant d'écorce de tilleul; ils fendent en trois cette écorce, et c'est en entrelaçant les bandes sur leurs doigts et en défaisant l'entrelacement qu'ils rendent leurs oracles.

Hippocrate, dans son traité Des airs, des eaux et des lieux , traite d'une comparaison des peuples et des climats en Asie et en Europe. Il consacre un chapitre aux Enarées scythes :

Il faut ajouter qu'un très grand nombre de Scythes deviennent des sortes d'eunuques qui s'adonnent aux travaux de femmes et parlent comme elles. On les nomme Anariées. Les indigènes attribuent la cause de cette impuissance à une divinité, ils vénèrent cette espèce d'hommes et les adorent, chacun craignant pour soi une pareille affliction.

Dans la suite du texte, l'auteur du traité montre comment cette affection provient de la position assise continuelle qu'ont les hommes à cheval. Elle ne concerne que les plus nobles, ceux qui ont les moyens de pratiquer l'équitation.
W.R.Halliday a montré que ces Enarés scythes ressemblaient aux chamanes bisexuels.

Karl Meuli l'a suivi sur cette voie. Il compare les Enarées au chamane tchouktche. Il rapproche la déesse céleste, l'Aphrodite ouranienne des Scythes, d'une déesse assise tenant un miroir, représentée sur un plat en or des Kourganes.

L'existence du chamanisme scythe est indubitable, d'autant plus qu'à côté du comportement bisexuel des Enarées scythes, on repère d'autres traits appartenant aux coutumes des peuples à chamanes, comme le bain de vapeur et l'usage des narcotiques qui permettent d'atteindre l'extase. Ces pratiques, décrites dans le livre IV d'Hérodote, sont attestées en de nombreux endroits. Chez les Sioux Lakota, Wohpe, chamanesse mythique, a apporté aux hommes le rituel de la sweatlodge ou bain de vapeur. Les Indiens Huicholes, au Mexique, consomment du peyotl ; les Indiens Pueblos, les Caddos, les Mohaves utilisent le datura et, en Sibérie, certains groupes connaissent l'amanite tue-mouche.



29/01/2006
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