Les Inuit

Les Inuit

Bernard Saladin d'Anglure s'est intéressé à la mythologie des Esquimaux et, à l'intérieur de cette mythologie, aux rapports qui sont définis entre l'homme et la femme. Sa démarche est importante car le chamanisme Inuit, essentiellement pratiqué par des hommes, entretient des liens importants avec le féminin. Ce phénomène se comprend bien quand il est replacé dans son contexte socio-culturel.
L'histoire du monde, selon les Esquimaux, est une suite d'épisodes basés sur l'antagonisme et la complémentarité des sexes. Socialement, la femme est complètement dominée par l'homme, comme l'indiquent de nombreuses pratiques : infanticide féminin, règle de résidence virilocale, emploi de la force envers l'épouse, polygynie, échange des épouses et grande liberté extramaritale de l'homme. Pourtant, la femme a joué un grand rôle dans les débuts de l'humanité, dont la mythologie garde la trace. Elle est à l'origine de certains gibiers importants, de l'invention de la mort qui permet d'éviter la surpopulation. Au fur et à mesure que le monde s'organisait, la femme perdait ses prérogatives, en étant asservie aux règles sociales de l'échange matrimonial telles que déterminée par les hommes. En outre, elle est soumise à de nombreuses restrictions dans ses déplacements, depuis l'époque de ses premières règles jusqu'à la ménopause. Ainsi la place de la femme dans la pensée Inuit est-elle paradoxale : par son asservissement à l'homme, elle donne à l'humanité plus d'autonomie. En prenant possession de la femme, l'homme maîtrise la terre et ses ressources.
Malgré l'asservissement complet de la femme dans la mentalité Inuit, il y a une complémentarité forte entre les deux sexes. Le chamane, angakkuq, est presque toujours un homme. Seules de vieilles femmes peuvent accéder à ce statut. Les séances chamaniques comportent de nombreux traits féminins. Elles renvoient toujours à des scènes de grossesse et d'accouchement : obscurité primordiale obtenue par l'extinction des feux, dénouage des ceintures et des lacets des spectateurs, posture accroupie qui imite celle de la parturiente, cris saccadés et haletés, etc... Le chamane utilise toujours la main gauche qui est le côté féminin par excellence.
Le chamane a, pour B.Saladin d'Anglure, une fonction de médiateur entre le monde visible et le monde invisible, entre les vivants et les morts, les hommes et les femmes. L'image de l'accouchement, omniprésente dans les séances, sert à faire sortir l'âme de son propre corps, à la conduire, à travers un passage étroit vers la lumière, la connaissance afin de réparer les désordres cosmiques, écologiques, sociaux et physiologiques provoqués par les humains. L'ordre s'établit et se maintient - l'ordre du monde ressemble plus à un équilibre instable - à travers l'antagonisme et la complémentarité des sexes.



29/01/2006
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