Merlin et Viviane

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En ce temps-là, on appelait fées toutes celles qui se connaissaient
en enchantements et en sort ; et il y en avait beaucoup à cette
époque... Elles savaient, dit le Conte des Histoires Bretonnes, la
force des paroles, des pierres et d'herbes... Et tout cela fut institué
à l'époque de Merlin.

Lancelot du Lac

Lorsque Merlin rencontre Viviane dans la forêt de Brocéliande en Petite Bretagne, il sait le destin qui lui adviendra par cette belle enfant. Il l'a confié à Blaise, le maître à qui il dicte son livre : "Briogne (Brocéliande), la terre que je dois le plus haïr car la louve y est qui doit enserrer le liépard."

Merlin aime Viviane et ne cherche pas à ruser avec son destin. Simplement, il fait durer le temps des amours, le temps des prodiges, le temps de l'enseignement. Car dans la fascination que la fée ressent pour Merlin, le savoir et les pouvoirs de ce dernier jouent un rôle essentiel. Il lui apprend à utiliser la force magique qui dort en elle. Les premiers tours qu'il lui enseigne sont, curieusement, liés à la maîtrise des eaux. La Dame du Lac se profile derrière la jeune fille de la forêt.

Dès les plus anciens textes, quelque regret qu'il ait de s'éloigner d'Arthur, Merlin quitte le roi en pleurant et s'enfonce dans les bois. Il n'y va pas pour rencontrer sa douce amie, mais pour y faire une retraite définitive auprès de sa sœur Ganiéda, dans une merveilleuse maison percée de tant de fenêtres que la forêt semble y entrer et qu'il peut suivre de là le cours des étoiles. Il vit désormais comme un ermite, dans une retraite tout entière tournée vers la nature.

Au Pays de Galles on conte que Merlin s'est retiré dans un palais de verre où il veille sur les treize trésors de l'île de Bretagne. Une tradition plus tardive - et renforcée par la morale du XIXè siècle - fait de la fin de Merlin l'œuvre cruelle d'une Viviane haineuse et dissimulée, se débarrassant de l'Enchanteur après qu'il lui ait appris l'essentiel de son savoir.

Mais, puisque Merlin connaissait sa destinée, savait le devenir de la Table Ronde et l'issue de la Quête, pourquoi ne pas croire qu'il a choisi l'éternité la plus douce auprès d'un être de même nature que lui, pure figure païenne ?

"Le beau rêve de vertu et de sagesse ne préoccupe pas l'esprit de Merlin qui voit défiler devant ses yeux de visionnaire les temps futurs et les temps présents. Il remet la force de son savoir à la pure déraison, entre les doigts tendrement enchantés de Viviane. Lorsque, lucidement, Merlin s'abandonne à la magie de la fée, magie des arts de la séduction, et conscient de chaque parcelle qu'il lui livre, il s'élève vers les hauteurs sereines d'un dieu..." (Heinrich Zimmer)



13/02/2006
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