Vampirisme et dandysme au XIXeme
Sans forcément remonter à l'Odyssée où Ulysse attirait les morts grace à du sang, le vampirisme ou sa forme plus brute, le canibalisme , n'a pas attendu le XIXeme siècle pour s'implanter dans la littérature.
Mais le canibalisme, dans la littérature classique, tout en restant aussi tabou que le sang , est souvent plus une vengeance qu'un moyen de se nourrir. Si nous considérons le vampirisme comme symbolique, nous pouvons aussi mentionner Molière et son Don Juan . Mais l'apparation du vampirisme tel qu'on le connaît aujourd'hui débute réellement au XIXeme siècle, ou un peu avant, si nous voulons bien accepter que les succubes et autres mort-vivants du "manuscrit trouvé à Saragosse" de Potocki peuvent mériter le nom de vampire.
Le vampire classique prend forme sous la plume de Polidori, docteur et secrétaire de Byron. Lord Ruthven, puisque tel est le nom de ce vampire, est le résultat d'un pari fait entre Mary Shelley, son mari, Percy Bysshe Shelley et Byron, ce pari consistant à écrire une histoire de mort vivant. Mary donnera à la litterature sa créature de Frankenstein, Percy un poème et Byron un simple brouillon qu'il oublira par la suite et que Polidori reprendra.
Mais là où le vampire aurait pû être une créature laide et décomposée, Polidori, en caricaturant les traits et la personnalité de Byron, lui donnera l'apparence de notre vampire connu : un dandy détaché du monde et de l'humanité, cynique et cruel. Il est d'ailleurs interressant de se pencher sur le dandysme en général puisqu'à partir de ce moment là, il fera parti de l'imagerie vampirique telle que nous la connaissons encore de nos jours.
Le dandy est l'une des figures phares du XIXeme siècle. Ne nous laissons pas aller à une définition moderne qui serait : personne coquette et bien habillée. Il est cynique, pathologiquement esthète, détaché et oppose à la lourdeur et l'immoralité de son siècle une frivolité toute calculée et une amoralité et, surtout, sa personnalité et son apparence est son œuvre d'art . Sans en faire un étude approfondie, nous pouvons le considérer comme réellement malade. Il est d'abbor atteint de la vieillesse, une maladie qui atteint son corps et son esprit qui le rend moins beau et donc moins "sublime".
A propos de cet esthetisme, il revetera plusieurs formes differentes, même si la plus connue d'entre elles est le choix vestimentaire. L'un d'entre elles sera le fait d'être entouré que de belles, ou en tout cas originales, créations de l'homme, œuvres d'art et littérature, comme le héros, ou anti-héros, d'"A rebours" de Huysmans ou le mentor du héros dans "Monsieur de Phocas" de Jean Lorrain. Il passera aussi par la confusion des genres puisque l'androgynie, qui est surtout une quaracteristique de l' adolescent, est reconnue à l'époque comme forme suppreme de beauté .
C'est ainsi que Wilde lui même se serait travesti en Salomé par jeu ou/et pour séduire son amant, Lord Alfred Douglas. Mais comme dit ci dessus l'androgynie passe avec l'âge, ce qui confirme la peur de la vieillesse de certains dandys. Ensuite, le dandy est cerné par la masse. Il la dégoute, la trouve laide et vulgaire ce qui fait de lui un personnage asocial et pas pronfondément démocratique .
Encore une fois, pour donner un exemple, nous prendrons "à rebours" de Huysmans où Des Esseintes, l'anti-héros, vit replié sur lui-même, souffrant de la moindre rencontre. Et finalement, la nature est pour lui négligeable. C'est ainsi que Wilde, dans le "déclin du mensonge" dira que la nature est inferieure à l'art et que, encore une fois, Des Esseintes, toujours dans "A rebours", modifira la nature, parfums et animaux, pour la rendre plus à son goût.
En venant de décrire le dandy, nous nous appercevons que nous venons de décrire le vampire : ses relations sociales sont minimes, il est contre-nature puisque ne répondant plus à l'immobilité de la mort, il a vaincu le temps et, en tout cas lorsqu'il est repû, il est sublime. Il n'est pas étonnant que le vampire ressemble tant au dandy puisque, comme vu auparavant, il est inspiré d'un dandy, Byron. Le vampirisme a donc évolué en parallèle avec le dandysme au XIXeme siècle.
Mais le point final du vampirisme, l'apogée du vampirisme au XIXeme siècle se trouve surtout être Dracula et si, comme tout autre vampire, il est le digne successeur de la caricature de Byron, il est aussi l'héritier des écrivains gothiques irelandais. Ce courant littéraire du début du XIXeme siècle a plus d'un point commun avec le rommantisme né en Europe : il se passe dans un ailleurs pas réellement determiné, comme l'Autriche pour "Carmilla" de Le Fanu ou en Italie pour le "Château d'Otrante" de Walpole et se passe dans une époque lointaine comme le moyen-âge, le terme gothique tirant ses racines de cette époque.
Même si ce courant peut s'apparenter à une sorte de sous-genre prenant ses sujets dans d'anciennes superstitions, on peut affirmer que le premier roman gothique est le "château d'Otrante" qui, sans réellement représenté un quelconque interet litteraire, sera ce qui déclenchera l'envie d'écrire chez de nombreux écrivains. Carmilla, livre qui inspira Stocker pour son Dracula, fait parti de ce courant. Il raconte l'histoire d'un vampire de genre féminin, apparement maudit et de sa relation avec une femme. Ce livre fera scandale puisque de nombreux passages jugés saphiques y sont présents. Mais contrairement au Dracula et au Lord Ruthven, ce personnage est une victime d'abbor de sa malédiction, ensuite de ses instincts contre lesquelles elle n'arrive pas à lutter.
Nous sommes en 1897 et Dracula peut enfin naître. Ce comte aux allures Ruthveniennes, venu d'une autre époque et résidant dans un ancien château deviendra l'archetype du vampire, faisant oublier par la même occasion ses prédecesseurs. Pour les plus attentifs d'entre-nous, des rumeurs courent comme quoi Stocker, voulant faire parti de la Golden Dawn, petit "club" de bourgeois mages, alchimistes et surtout déseuvrés, aurait caché des passages de type magique dans son livre.
De nos jours, le vampire "draculien" existe encore même si un renouveau du vampire moyen-âgeux, c'est à dire laid et presqu' animal, se fait voir dans "Buffy" ou "une nuit en enfer". Il est sortit de ses livres et il est partout : cinema, bande dessinée, publicité, jeu de rôles, musique. Le vampire fait vendre. Mais il n'a pas renié ses racines pour autant : le vampire de Rice n'est-il pas le petit fils de Lord Ruthven, magnifique et cynique, avec une dimension tragique en plus ? Et le vampire du film les "Prédateurs", dont la seule faiblesse est de vieillir rapidement après un certain temps, n'a-t-il pas le plus grand défaut d'un dandy?
Le jeu de rôles, surtout ceux de White Wolf, surfe sur cette vague, regroupant un peu tous les types de vampires : laid, beau, animal, civilisé. Pour faire simple, disons que ceux de White Wolf, "vampire la masquarade" et "vampire l'âge des tenèbres", les autres étant plus classiques, plus "draculiens", sont un pot pourri de tous les vampires qui ont pu exister dans les livres et dans les films. C'est ainsi que Nosferatu peut se battre avec Lord Rutven, ce dernier étant défendu par Angel. Mais il est clair que certaines références sont plus importantes que d'autres : le symoble du vampire dans ces jeux, l'ankh, est la forme de l'arme qu'utilisent les vampires dans les "prédateurs et de nombreux vampires dans ces jeux sont victimes des mêmes cas de consciences que les vampires "riciens".
En musique, le vampire est devenu terriblement moderne et l'imagerie vampirique est souvent résumée à un pitre défiguré avec de grandes dents en train de crucifier des stars de films X. Toutefois, quelques clins d'œil existent : Bauhaus, groupe de Cold Wave du début des années 80, et son "Bela Lugosi's Dead" chanté lors des premières minutes des "Prédateurs" est un bon exemple. Double clin d'œil puisque ce groupe, en plus de faire un morceau dédié à l'un des acteurs les plus connu ayant joué Dracula, contient un bassiste qui, pour la tournée en 1998 de reformation, qui est d'ailleurs avortée , avait accroché la photo d'Oscar Wilde sur son instrument. Ainsi, la boucle est bouclée !